Vers l'entreprise libérée

Soumis par teclib le

LE STATUT DE LA LIBERTÉ

 

Donner aux collaborateurs plus d’autonomie et de pouvoir de décision accroît la performance collective de l’entreprise. Mais le prérequis de cette libération bénéfique des talents et des énergies est de (re)définir l’objectif, le “sens” même de l’entreprise. Certaines, pionnières en la matière, ont été jusqu’à l’ancrer dans leur objet social.

 

Si l’on s’en tient aux articles 1832 et 1833 du code civil, l’entreprise est, en substance : un projet conclu entre deux ou plusieurs actionnaires qui vise à produire un profit dans leur intérêt exclusif (!)
Force est de reconnaître qu’à l’heure de l’entreprise citoyenne, inscrite dans un écosystème, soucieuse du rôle qu’elle joue dans la société, du bien-être de ses collaborateurs et de son impact sur l’environnement, la définition du code civil paraît pour le moins restrictive. Dans le rapport “Entreprise et intérêt général”, remis en mars dernier au Gouvernement par Jean-Dominique Senard, Pdg de Michelin, et Nicole Notat, Pdg de Vigeo Eiris, les deux auteurs invitent chaque entreprise à définir sa “raison d’être”, c’est-à-dire le sens profond de son activité. Emery Jacquillat, Pdg de la CAMIF, qui a redonné vie en dix ans à un groupe moribond, a fait inscrire dans ses statuts qu’il ambitionne de : “proposer des produits et services pour la maison, conçus au bénéfice de l’homme et de la planète.” “Se lancer dans la transformation de l’organisation, c’est aller vers l’inconnu. Il n’y a pas de recette miracle mais commencer par construire un sens commun à tous fait partie des premières étapes indispensables”, indique Olivier Pastor, intervenant Germe en accompagnement du changement.

 

LAISSER LE TEMPS FAIRE SON ŒUVRE
Bien sûr, les managers ont un rôle clé à jouer dans cette transformation. Selon Olivier Pastor, “ils devront apprendre à lâcher-prise vis-à-vis de leur autorité, à codécider et à faire confiance. Avant cela, il s’agit de poser un cadre et une méthodologie partagée afin de coconstruire ensemble les solutions.” Au contact direct des clients et connaissant leurs attentes, ou au cœur des activités opérationnelles de l’entreprise, les collaborateurs sont les plus à même de trouver et d’appliquer les “bonnes solutions" aux problèmes rencontrés et de créer de la valeur pour cette entreprise. “Il faut aussi être humble et se donner du temps. Le chemin vers l’entreprise libérée est long et empirique. Les écueils peuvent être nombreux : réticences diverses au changement, impatience quand les premiers résultats tardent à venir”, complète Olivier Pastor.
Pas de recettes, mais quelques idées à partager ? “Oui, tirées de ma propre expérience : être moins cartésien et plus intuitif dans la relation, laisser affleurer ses émotions, voire sa vulnérabilité, tirer sans culpabilité les leçons des échecs – ils font avancer – et célébrer les réussites ! Élire démocratiquement, par exemple, au sein d’une équipe, sans qu’il y ait de candidat, celui ou celle qui paraît le ou la plus apte à mener à bien une mission. Et méditer ou écouter de la musique avant une réunion pour s’apaiser, favoriser l’écoute de l’autre à venir et se mettre en lien.” Les effets “libérateurs” de la musique de Mozart ne sont plus à prouver: il a été observé qu’elle réduit les crises d’épilepsie, aide les rats à sortir d’un labyrinthe plus rapidement ou encore rend les vaches laitières plus productives ! Qui sait quels effets bénéfiques elle aura quand elle sera utilisée en “prélude” à un Codir ou à une réunion commerciale ?

 

INTERVIEW CROISÉE


PHILIPPE LIMOUSIN DIRIGE L’AGENCE GRAND LILLE NORD DE CLINITEX, SPÉCIALISTE DU NETTOYAGE INDUSTRIEL.

       
RICHARD TRENY
EST DIRECTEUR DE LA RÉGION SUD-OUEST DE GT LOCATION, UNE ENTREPRISE DE LOCATION DE VÉHICULES INDUSTRIELS AVEC CHAUFFEUR.

 

Si je vous dis “entreprise libérée” vous me répondez ?
P. L. : Recrutement commercial il y a un an et demi. Les RH Groupe et moi effectuons la présélection, puis les candidats sont présentés à l’équipe, qui va décider qui rejoint ses rangs. Le candidat retenu n’est pas celui qui avait ma préférence, mais je me félicite aujourd’hui d’avoir eu tort ! C’était bien le bon profil ! Et cet adoubement, cette marque de confiance de toute une équipe l’a à la fois motivé, rassuré et responsabilisé !
R.T. : En 2014, le Groupe a invité l’ensemble de ses conducteurs à produire et à partager sur le réseau social de l’entreprise des suggestions pour améliorer leur poste de travail à savoir leurs camions. Les meilleures idées étaient tellement pertinentes qu’elles ont été appliquées à tous les camions !

 

Un conseil à donner à nos lecteurs ?
R.T. : L’exemplarité. Notre président répond ouvertement aux questions qui lui sont posées, en ligne, par ses collaborateurs.
P. L. : La patience. Il faut du temps avant que chacun s’approprie la démarche d’autonomie et utilise sa capacité à décider. Raison de plus pour la lancer sans tarder !

 

 

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