Gérer les comportements inappropriés en entreprise

Un comportement devient inapproprié quand il nous met mal à l'aise et qu'il y a une rupture de réciprocité, qui a pour conséquence de déstabiliser, d’humilier ou de mettre quelqu’un en difficulté.

Il y a des mécanismes reconnaissables, cela peut passer souvent par l’humour. Par exemple l’humour sur les blondes, c’est ce que je qualifie d’« humour de meute », dans le sens où si on fait cette blague à la personne concernée (ici une personne blonde en l’occurence), la blague risque de tomber à plat. C’est souvent plutôt autour de la machine à café en collectif qu’elle fait réagir.

C’est compliqué d’avoir des chiffres mais il y a un public cible où le risque est plus élevé, c’est souvent les stagiaires et alternants. De manière général, plus les collaborateurs sont précaires, plus il y a effectivement de risques.

Pour qu’un comportement inadapté bascule dans du harcèlement moral, il faut qu'il y ait répétition. Pour le harcèlement sexuel ou discriminatoire un seul fait très grave peut parfois faire preuve suffisante aux yeux de la loi, mais dans l’ensemble, c'est la répétition qui est prise en compte.

Le terme « victime » est un mot juridique mais sur le plan psychologique, on parle de « cible » et dans ce cas, on s’en prend rarement à quelqu’un par hasard.

Statistiquement, le fait d’avoir déjà été victime augmente les probabilités de l’être à nouveau. Il faut comprendre que le harcèlement, c’est avant tout une pulsion de domination et de toute-puissance. Il faut savoir que l’apparence physique n’a rien à voir dans le fait de subir du harcèlement sexuel.

Les auteur(e)s sont souvent dans le déni. Ils se justifient parfois par des « j’ai toujours été comme ça ». Et un beau jour, une personne nouvellement recrutée, ça peut être la nouvelle génération par exemple, commence à dénoncer ses comportements. L’époque change, il y avait une tolérance avant qu’aujourd’hui il n’y a plus. C’est là où l’entreprise a un risque juridique.

Les managers ont beaucoup de responsabilités, et parmi elles, il y a le fait d’être exemplaire. Un des meilleurs moyens de prévention également, c’est de réagir sur le fait. Ce qu’on peut rétorquer à un propos ou comportement déplacé, c’est "Qu’est ce qui te permet d’affirmer ça ?"  ou "C’est quoi ton intention quand tu dis ça ?" . Cela permet de faire basculer la pression sur l’auteur des dires. Cela permet de montrer l’exemple.

Le premier pallier peut être un blâme, cela peut éveiller les consciences chez certain(e)s. Cela peut aussi être une mise à pied ou aller jusqu’au licenciement pour faute grave. La jurisprudence dit que si une personne a des comportements inappropriés répétés qui mettent en danger la santé mentale ou physique de sa cible, l’entreprise est responsable si elle ne réagit pas.

On peut prêter attention aux changements de comportements brusques. Cela se voir dans :

• la manière d’être du collaborateur : si il est souvent jovial, extraverti, et qu’on constate qu’il se renferme sur lui même subitement, cela peut être un signe. Si une personne courtoise devient colérique également…
• une chute de productivité
soudaine
• un changement au niveau de sa santé : perte ou prise de poids, perte de concentration, de sommeil
...

Faites confiance à votre intuition, les gênes sont souvent palpables au sein d’une équipe.

Soyez également vigilant au ton employé, à comment la parole circule dans l'équipe.

Vous pouvez poser une question type « Sur une échelle de 1 à 10, comment ça va pour toi au travail en ce moment ? ». Ce que je propose, c’est aussi si vous sentez une tension entre deux personnes, de poser la question « ;et comment ça se passe avec [telle personne] ?». Le collaborateur ne va pas forcément répondre de but en blanc, mais vous pouvez relever son langage corporel ou si il ou elle a une gêne. Et pour ceux qui managent à distance, l'idéal reste de voir son équipe en présentiel au moins une fois par mois si possible, pour percevoir d'éventuels changements.

J'en ai un exemple. J’ai suivi une personne à qui on a déjà dit « Tu as de beaux yeux » en pleine réunion. Que se passe-t-il après cela ? La personne concernée ne savait plus où regarder, et toute sa concentration était déviée suite à ce « pseudo-compliment ». C’est une manière indirecte de saboter quelqu’un. Et ça ne sera pas que le cas que lors de cette réunion, ça le sera également pour les réunions suivantes. Car pour la personne cible, lors des prochains moments collectifs, il y aura une certaine ambiguïté où elle tentera de rester convivial mais veillera à ne surtout pas envoyer un signal qui pourrait être perçu comme « séducteur », d’où une forte charge mentale.

La boussole pour savoir si c’est approprié ou non et éviter la violence douce, ce serait la question « Est-ce que si on disait cela à mon fils/ma fille, cela serait-il ok ? ».