Stéphane Riot - Lever les freins invisibles dans vos organisations

Soumis par agathe.renac le
Thématiques
Gestion de crise
Intelligence collective
Transformation
Durée
25 minutes

Vous avez atterri sur les ondes de La graine inspirante, un podcast de GERME, réseau de progrès des managers !

Chaque manager est confronté dans l'exercice de ses fonctions à des freins subtils de la part de son équipe. Des résistances implicites qui entravent le bon fonctionnement de l'organisation. Ils peuvent être liés à des facteurs culturels, relationnels, structurels ou encore psychologiques. Voilà pourquoi le rôle du manager est crucial dans l'identification et la levée de ses obstacles.

À découvrir dans cet épisode :

  • Quels sont les obstacles invisibles dans nos organisations ?
  • Comment repérer les blocages invisibles ?
  • Peut-on distinguer les blocages en lien avec l'organisation et ceux en lien avec le leadership du manager ?
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Qui est l'invité ?

Stéphane Riot accompagne les entreprises depuis 20 ans dans leur transformation pour le monde de demain. Il est aussi intervenant GERME. Deux ingrédients principaux composent nos états, l'humanité et l'invisible.

Comment lever les freins invisibles dans nos organisations ?

Sur mon profil LinkedIn, il y a noté “alchimiste des organisations”. Je trouve que l'allégorie d'alchimie est très intéressante pour le monde de l'organisation. En effet, l'alchimie, c'est un art subtil de la transformation. L'alchimie, c'est la transformation du plomb en or. Et il y a dans l'alchimie plusieurs moments particuliers que sont 3 œuvres, 3 moments particuliers.

Au départ, on va être dans l'œuvre noire, à la rencontre de ce qui est en densité. Comme dans une entreprise, on va écouter ce qui est en difficulté dans sa transformation, dans le changement de modèle, dans la transformation des équipes, ce qui est en densité, j'appelle ça. Donc c'est la prima materia, c'est la pierre noire.

Après, on va passer dans l'œuvre au blanc, nettoyer. Donc nettoyer l'entreprise, la culture, se clarifier comme on dit en alchimie, en tant que manager, en tant que dirigeant, pour justement être libéré de ses scories.

Puis c'est un travail de développement personnel et collectif pour arriver à l'œuvre rouge, une matière vivante, dans laquelle on a de l'énergie, de la créativité, où individuellement et collectivement, on est en mouvement. C'est ça ce que j'invite à faire dans les organisations et chez les managers, c'est de faire ce processus de transformation. On est dans une vraie crise de sens, une crise économique, une crise de management, une crise de leadership, que ce soit dans la culture des organisations.

Comment conscientiser des blocages organisationnels qui sont invisibles ?

Pour moi, il faut mettre de l'humanité dans l'entreprise, c'est comment faire en sorte que les entreprises redeviennent des endroits d’organismes vivants, pour retrouver du sens, de l'être ensemble. Donc ça, c'est pour la partie humanité.

Et pour la partie invisible, j'ai beaucoup travaillé sur la transformation des modèles économiques. Et je me suis dit que ce qui empêche les organisations, c'est l'invisible, c'est ce qui ne se voit pas. Donc c'est ce qu'on ne détecte pas. Ce sont :

  • les résistances aux changements
  • les biais cognitifs
  • les jeux de pouvoir…

C'est tout ce qui se passe dans les interstices. La partie immergée de l'iceberg. Ce qui m’intéresse, c’est qu'est-ce qui se passe dans l'invisible d'une organisation, d'un collectif, d'une équipe, d'un manager qui fait que ça marche ou pas.

Comment détecter ce qui n’est pas visible et qui freine l’organisation ?

Dans une organisation, tout est très structuré. Il y a un organigramme, des rôles, des fonctions, des règles. Et tout ça, c'est partagé par l'ensemble du collectif. Ça, c'est visible.

Et ce qui est dans l'invisible, justement, c'est tout ce qui est plus subtil, mais qui fait totalement partie du collectif. Il y a la culture. Celle qui est explicite, mais parfois, il y a une culture sous-jacente qui peut être une culture, parfois, d'hyper-performance ou d'exigence qui n'est pas dit, implicite. Parfois, il y a des cultures dans les organisations qui peuvent être des cultures un peu toxiques, dans lesquelles c'est le patron qui a toujours raison.

C'est peut-être les managers hommes qui ont le dernier mot par rapport aux femmes, par exemple. C'est des gens qui, par exemple, parlent plus fort que les autres, qui ont le dernier mot, donc ont raison. Plus on va mettre de la conscience sur ce qu'on est en train de faire, plus ça va permettre de cristalliser ce qui se passe. Et un autre exemple d'architecture invisible que j'étudie beaucoup et qui est très riche d'informations, c'est justement nos personnages. Le personnage qu'on joue au travail. Quand je viens au boulot, parfois je joue un rôle parce que je suis payé pour ça. J'ai un rôle, une fonction. un rang, etc.

Est-ce que je ne suis pas obligé de jouer un rôle au travail pour me protéger ?

Oui, sauf que, bien sûr, pour me protéger, et puis aussi pour fonctionner et pour faire fonctionner l'entreprise. Mais j'ai des modes de fonctionnement, un mode managérial différent.


Par exemple, si moi, je suis en insécurité dans ma vie, dans ma vie personnelle, et que j'ai une histoire d'insécurité, je vais probablement être dans un besoin de contrôle ou dans un besoin de sécurité que je vais compenser au boulot. Et ça, c'est pour moi quelque chose que je repère assez systématiquement. Les gens qui peuvent être en situation parfois de soumission à l'extérieur vont être au contraire très en domination, par exemple.


Je remarque qu'il y a ce petit jeu de ce à quoi je joue au travail qui compense ou au contraire fait ou amplifie ce que je vis dans ma vie personnelle. Et être conscient de ça, c'est très important. exemple, je peux être quelqu'un de très créatif dans ma vie personnelle, mais au travail, on ne me demande pas ça. Donc je vais être un très bon technicien du travail, mais ma partie créative, je vais l'éteindre. Donc ce sont des gens qui parfois peuvent... se sentir mal parce que ce qu'ils sont dans leur créativité, dans leur partie personnelle, n'ont pas le droit de citer dans leur métier.


Il y a cette barrière étanche entre le pro et le perso qui, parfois, pourrait être un peu plus poreuse. J'ai des cas de gens qui, parfois, sont très tristes parce qu'ils sont foncièrement des créatifs à l'intérieur. Il y a peut-être des rôles de créatifs ou de créativité, pas d'étiqueter des créatifs, par exemple. dans lequel on peut exprimer une part de créativité qui pourrait être disponible dans l'organisation et qui ferait que la personne pourrait évoluer et avoir, pas une évolution de carrière, mais une possibilité d'exprimer cette part d'elle-même qui attend de se révéler..
En tant que manager, ça va donc être d’être en capacité d'identifier le potentiel intérieur, de le révéler. C'est-à-dire comprendre les petits jeux conscients et inconscients qu'il y a. J'ai quelqu'un en face de moi qui est dans mon équipe, mais qui est-il ou qui est-elle réellement derrière ?.

Est-ce que j'ai le temps pour défricher l’invisible en tant que manager ?

Alors... le temps c'est de l'argent mais le temps ça se trouve pour mieux se comprendre. Ça demande de la rencontre, mais en tout cas l’idée est de développer des moments où je vais observer ce qui se passe dans l'invisible, écouter, développer un peu une forme de psychologie et ça, ça nous fait gagner énormément de temps.


Je vois beaucoup de managers qui vont regarder la philosophie, la psychologie, développer une sensibilité de ce qui se passe dans l'invisible. Ils n'ont pas juste besoin de gens qui sont efficaces, performants, ils ont aussi conscience qu'il y a toute une part de l'être qu'il y a dans son équipe, des êtres qui l'accompagnent, qui sont beaucoup plus profonds que ça.


Et c'est là où on est invité à développer une autre forme d'intelligence, l'intelligence du cœur plutôt que le performatif.

Comment peut-on pratiquer ou expérimenter l’intelligence du coeur ?

Ce que j'aime proposer, par exemple, c'est des moments où on va rentrer en reliance, pas juste en communication. C'est-à-dire qu'on va proposer une expérience où on va peut-être dire un bout de soi ou faire une expérience qui peut être émotionnelle, physique, corporelle, expressive, artistique, dans lequel on va être dans une situation un petit peu différente du quotidien, mais dans lequel on va pouvoir décrypter le collectif différemment, ressentir des choses différentes, peut-être dire des choses différentes, se dire différemment, se présenter différemment aux autres.


Et ça, ça va agrandir l'espace d'intelligence du collectif. Ça va permettre d'enrichir quelque part la culture du collectif. Et ça permet d'avoir des parties de soi qui se révèlent, qui se réveillent, et toujours, la plupart du temps, au service de l'intérêt commun.

Est-ce que tu as un cas concret dans une organisation que tu as accompagné où tu as montré l'invisible, et comment tu as fait pour améliorer les choses ?

J'ai un cas très concret dans une grande organisation où il y avait une équipe qui n'était pas complètement engagée. Le manager était très frustré du fait que ce n'était pas performant, qu'il n'y avait pas une bonne ambiance, que ses collaborateurs n'étaient pas motivés, il ne comprenait pas. Alors que business model fonctionnait bien et qu’au RH tout avait été fait.


Je leur ai proposé de faire une sorte de représentation systémique, et que chacun joue un rôle. Certains vont jouer les clients, certains vont jouer l'équipe, certains vont jouer les anciens de l'équipe. Et là, j'ai demandé aux gens concernés, notamment aux managers, de voir ce qui se jouait. Bien sûr, j'ai mis le cadre, confidentialité, respect, etc.


Et il y a même des personnes qui ne sont pas du tout concernés par le sujet qui ont joué des rôles et qui ont sorti des choses qui étaient dans l'inconscient collectif et que le manager comme le dirigeant ont entendu.


Donc tu vois, c'est des techniques comme ça que j'utilise, parce que ça va permettre d'écouter plus que juste avoir une discussion. Faire prendre conscience, mais aussi ressentir. Du coup, on a retravaillé sur la culture. Le dirigeant s'est engagé à créer des processus de plus grande clarté, de transparence.

Quels sont les blocages les plus courants dans une entreprise ?

Ça dépend de la culture, mais en effet, le blocage les plus courant, c'est la peur du changement. La nature, c'est le changement, mais la nature humaine, a horreur du changement. C'est arriver à convaincre qu'il faut évoluer, qu'il faut se transformer.


On est dans une période de crise en ce moment, de crispation. On est beaucoup plus dans des réactions reptiliennes, de conservation. Donc en ce moment, je constate que la peur du changement, c'est un... les architectures invisibles les plus présentes en ce moment.


Mais il y a aussi des choses que je vois dans le collectif, où je vois des dirigeants qui ont insufflé un mode de fonctionnement qui reste un peu habituel. Par exemple, “on a toujours fait comme ça chez nous, on ne va pas changer”. Et finalement, on s'en contente.


C'est-à-dire qu'on ne va pas être assez nombreux à proposer des nouvelles modalités relationnelles, communicationnelles, managériales, etc. Et moi, je fais le constat depuis des années que si on n'aborde pas les ombres d'une organisation ou d'un management, on va de toute façon, sur le chemin, le retrouver comme une résurgence.

On peut distinguer les blocages en lien avec l'organisation et ceux en lien avec le leadership du manager ?

Les blocages en lien avec l'organisation, c'est tous les blocages qui sont en lien avec la culture. Parfois on a des habitudes, qui empêchent la transformation, la prise de parole sur des sujets qui fâchent, les idées novatrices. Donc tu vois, ces dimensions invisibles collectives, ça peut prendre de la place. On peut aussi avoir des mémoires d'échecs, des mémoires de personnes qui sont passées, qui ont eu des difficultés ou qui ont apporté des difficultés. Ça crée des stigmates, j'allais dire. Et le fait de ne pas aborder ça, ça reste dans l'inconscient collectif. Et puis individuellement, en effet, le manager, c'est aussi son rôle à lui d'aller rencontrer ces dimensions-là, ses propres ombres.

Conscientiser les blocages des organisations, ça passe par une réunion sans tabou ?

C'est vrai que le travail, c’est prendre conscience que j'ai, bien sûr, des talents, un potentiel, des qualités, mais j'ai aussi des trous dans la raquette. J'ai un impact sur les autres, mon équipe, dans l'organisation. Le but est de libérer l'énergie qui était enfermée et donc moi c'est ça que j'invite les managers à aller chercher, c'est où est-ce qu'il y a des espaces de densité. C'est vrai que ça demande du courage, de l'engagement et en effet une forme de confiance aussi que le collectif peut grandir et que moi-même, en tant que manager, je peux grandir avec ça.

Cela implique donc pour le manager de mettre au grand jour ses faiblesses ? Je n'ai pas envie, moi, en tant que manager, de montrer que j'ai une faiblesse.

Il y a plein d'outils pour permettre de s'exprimer en responsabilité. Une de mes lois cardinales, c'est liberté et responsabilité. On a la liberté de dire ce que l'on veut dans un collectif, mais on a la responsabilité aussi que s'il y a des choses que je ne dis pas, il y a un moment, j'ai la responsabilité de garder en moi dans mon jardin secret, mais aussi les choses que je pourrais dire de moi et qui pourraient être utiles pour le collectif pour grandir.


Je ne suis pas en train de dire qu'il faut se mettre à table, mais qu’il y a des choses qui sont importantes de sortir, de libérer. Pour ça, il y a des outils, comme le cercle de parole. En séminaire ou en début de réunion, on peut faire un cercle de parole pour faire un peu sa météo, comment je me sens, avec quoi j'arrive, si je suis encombré ou si je suis en difficulté avec quelque chose. Bien sûr, ce n'est pas juste cracher sa valda en disant” je n'ai pas envie d'être là”. C'est prendre la responsabilité d'avoir une sorte d'habitude de pouvoir dire et de déposer. Et ça, ça permet de développer une culture de confiance dans le collectif.

À retenir - Pour lever les blocages invisibles, j'ai besoin de :

  • de communication et de relation
  • d'intelligence collective
  • de l'aide d'une autre personne.

Merci beaucoup à Stéphane et à Julie pour ce podcast. Restez connectés pour votre dose quotidienne d’audios inspirants ;)

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