Podcast "Comment manager une équipe plus âgée que soi ?"

Bienvenue dans cet épisode du podcast “La graine inspirante” du réseau GERME ! Suite aux deux précédents podcast de cette mini série audio sur “manager l'intergénérationnel”, le sujet du jour portera plus spécifiquement sur comment manager des collaborateurs d’âges mixte, mais aussi des plus âgés que soi ? Un format inédit puisque qu’il portera sur le témoignage de Jean-Baptiste Dujour, que GERME, au micro de David Rival, a suivi sur quelques mois pour l’interroger sur son rapport au management intergénérationnel.

Y a-t-il une différence dans la relation managériale selon l’âge du collaborateur ?

Et à l’inverse, à quoi le manager prête-t-il davantage attention selon les générations qui constituent son équipe ?

Oui, pour ma part j’ai commencé en tant que manutentionnaire. Puis j’ai gravi les échelons, je suis passé chef d’équipe jusqu’à conducteur travaux. Les plus jeunes chefs d’équipe tiennent compte de ce parcours et me prennent parfois en exemple (même si je ne suis pas fan de ce mot). Je pense que c’est plus mon côté organisationnel que technique qui m’a permis d’accéder à ce poste. Tandis que les collaborateurs plus âgés, je leur montre moins la technique qu’ils connaissent déjà, même si ça m’arrive de leur faire des rappels. J’essaie plutôt de travailler sur leur organisation et leur bien-être, comme c’est un métier physique et que ça fait déjà quelques années qu’ils sont dans le métier. Par contre je vais être davantage intransigeant avec eux car on leur a donné le temps d’apprendre.

A contrario les jeunes arrivent dans un monde où tout va très vite et on va parfois leur donner plus facilement le droit à l’erreur. Pour des tâches plus complexes je privilégie les binôme jeune / ancien.

Tu parles de t’être formé au cycle Emergence, une formation managériale du réseau GERME. Qu’en as-tu retenu ?

Je suis beaucoup moins dans l’opérationnel dans l’immédiat mais j’ai cette prise de recul. Prêter attention à ses expressions du visage, un sourire peut vite devenir un rictus ou une marque d’ironie dans les yeux du collaborateur par exemple.

C’est aussi bien de connaître son collaborateur et son mode de communication. Dans mon cas, ça m’est arrivé de faire quelques blagues à mon assistante, relatives au travail, en tentant par l’humour de faire passer un message managérial. En l'occurrence elle m’a dit que ça ne la faisait pas rire et ce n’était pas la stratégie de communication la plus adaptée.

Et même si j’ai des collaborateurs sensibles à cet humour, j’essaie toujours de prêter attention encore une fois à leur état du moment, savoir si sa matinée s’est bien passée, voire s' il est dans une dynamique positive qui lui permettrait de recevoir mes traits d’humour ou non.

Quand tu fais part d’une erreur à un collaborateur, a-t-il la même réaction selon sa génération ?

Non effectivement. Dans mon cas, ça m’est arrivé de constater qu’un ancien collaborateur, il faudra lui re-répéter de ne pas faire cette même erreur, alors qu’auprès d’un jeune en apprentissage, il semble avoir davantage conscience du temps perdu, et de considération envers le savoir-faire à respecter. Il va s’employer à éviter que ça se reproduise.

Quelle est ta certitude concernant le management ?

C’est que l’humain est au cœur de tout. On ne ferait rien sans les collaborateurs sur le chantier, que ce soit moi ou l’entreprise plus globalement. Le rapport au travail n’est plus le même, avant on pouvait passer 12h d’une journée sur le chantier. Aujourd’hui on prend davantage en compte la vie de famille, la vie associative etc. Il ya des avancées à faire côté flexibilité des horaires dans la maçonnerie d’ailleurs.

En quoi les différentes générations de collaborateurs peuvent être inspirantes ?

Je me souviens d’un quinquagénaire, avec qui je travaillais plus jeune et à qui j’avais dit mes ambitions de devenir conducteur travaux. Il m’a dit “Tu sais, avant d’avoir ces responsabilités, il faut avoir un peu de bagage, rouler sa bosse”. Et je lui ai répondu “Oui mais je suis peut-être meilleur pour coordonner plutôt que sur le chantier”. Il m’a partagé pas mal de techniques.

Et le jour où je suis devenu conducteur travaux, il m’a envoyé quelques messages qui laissaient entendre qu’il fallait “apprendre à marcher avant de courir”. Il ne me serrait plus la main quand je passais dans les bureaux. Je pense que pour lui je “brûlais les étapes”, peut-être dû à une part de fierté… Malgré cette coupure dans la relation j’ai laissé le temps faire, je continuais de le saluer. Un jour, l’entreprise l’a remercié à l’occasion d’une remise des médaille de l’ancienneté. J’en ai profité pour le remercier à mon tour, lui dire qu’il m’avait donné envie de travailler dans ce métier, et on s’est finalement pris dans les bras. C’est une belle histoire de transmission.

Tu as trouvé ta légitimité en tant que manager ?

Oui, notamment quand on fait des points individuels avec les plus anciens, ça arrive qu’ils remettent en question ma parole. Cela a pu me faire douter : “Est ce qu’il a raison ou dois-je camper sur mes positions ?””. Il arrive de faire des erreurs et je pense que l’important c’est d’échanger pour que je prenne ensuite la décision. Prendre du recul est nécessaire.

3 mois après cette interview, Jean-Baptiste est à nouveau interrogé pour voir comment ses propos et son rapport au management intergénérationnel a maturé.

Après notre première interview, quel regard portes-tu sur les réponses que tu as pu donner sur manager les générations il y a 3 mois ?

“Je ne veux pas être un modèle mais plutôt un exemple.”

Je suis fier de mes valeurs, l’aspect humain reste primordial pour moi. Le mentor dont je parlais plus haut, qui m’a donné le goût de ce métier est parti il y a quelques jours, après 42 ans dans mon entreprise. Nous avons donc organisé une haie d’honneur pour son dernier jour. Naturellement les collègues étaient partants, avec toute la reconnaissance qu’ils avaient pour lui et ce qu’il leur a transmis. Il était ému et a pu remercier chacun. Dans ces moments-là de reconnaissance, il n’y a plus de barrières générationnelles.

Comment les plus anciens appréhendent-ils la notion de co-construction au travail ?

Mon rôle de manager me ramène parfois à mon rôle à la mairie, car je suis aussi élu dans une commune. On doit rénover le centre du bourg et on a lancé un projet de co-construction avec les habitants dans ce cadre. Or un ancien m’a dit “c’est vous qui décidez comme c’est vous qui êtes élu” mais je lui ai répondu que eux détiennent en mémoire le passé de la commune, que moi j’ai moins. Le plus important, c’est l’échange.

Il faut stopper les stéréotypes du type “celui qui est haut placé a du pouvoir et les autres se taisent”.

Cette notion de co-construction peut déstabiliser certains des générations plus âgées car ils ne savent pas où aller, c’est une redistribution des rôles. Mais à partir du moment où chacun apporte quelque chose, quelques uns leur expérience et d’autres leurs idées nouvelles, c’est de la co-construction.

Merci à Jean-Baptiste Dujour pour son témoignage. Restez à l’écoute, d’autres épisodes du management arrivent dans le podcast La graine inspirante de GERME !