Comment la transformation d’entreprise impacte la transformation du territoire ?

Soumis par agathe.renac le
Thématiques
Gestion de crise
Transformation
Durée
40 minutes

Bonjour et bienvenue dans La graine inspirante !

Aujourd’hui, on vous invite à notre table ronde autour d’un sujet commun à nos interviewés : “Comment la transformation des entreprises impacte la transformation du territoire et de la société ?”. Cet épisode a été tourné à l’occasion du Grand Tour Nord-Ouest, un événement pour inspirer à faire réfléchir les managers membres de GERME autour du thème “Manager conscient, manager vivant”.

 

Retrouvez l'intégralité de l'interview de Maxime Blondeau dans l'article dédié.

Dans cet épisode vous découvrirez...

  • comment passer du déclic à une vision et une démarche RSE en évitant les obstacles ?
  • qu'est-ce que le management Opale ?
  • comment développer la sensibilité en entreprise ?
  • quel lien entre festival photo, territoire et monde de l'entreprise ?

Qui sont les interviewés ?

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Cécile Landreau

Elle est directrice administrative et financière de Giffard Liqueurs et Sirops depuis près de 9 ans. Elle est également membre du groupe de formation Germe Angers Pétille & sens.

Sandrine Deberle

Formée en herboristerie et protection de la nature, Sandrine a managé puis est devenue directrice des opérations chez Navoti et membre du groupe Germe Tours 2 Table .

Maxime Blondeau

Il est enseignant, conférencier, entrepreneur et cosmographe, il réconcilie les cartes, la technologie et nos imaginaires pour interroger notre représentation collective du territoire. Il est aussi l’auteur d’un livre à venir “Géoconscience, réinventer notre vision du territoire”.

Auguste Coudray

Il a été le co-créateur du Festival Photo de La Gacilly, puis en est devenu président pendant plus de 10 ans. Il a aussi été le directeur de la communication et des relations publiques de la marque Yves Rocher en Bretagne pendant près de 25 ans. Il a également travaillé pour le réseau IDEAL. Il se consacre désormais au développement et à l’exploitation du village du Val Richard à Lizio.

Cécile, tu nous a apporté aujourd’hui des pailles en maïs. Mais quel rapport avec ton métier de DAF ?

[Cécile Landreau] Cette paille me ramène à l’année 2019. Cette année-là, il y avait une grande production de liqueurs et de sirops. Or, on venait d’apprendre avec le comité de direction Giffard, que tout ce qui était plastique à usage unique allait être interdit. D’où la question : comment faire pour nos cocktails qui étaient jusqu’alors distribués avec des pailles à usage unique. Je me retrouve fin 2019 dans un de nos CODIR, où je suis attendue sur des indicateurs, et j'ai sorti mes pailles. Au-delà du remplacement des pailles, je me suis dit que cela nous permettrait peut-être de réfléchir plus globalement sur sur notre démarche RSE de l'entreprise.

Quels sont les irritants rencontrés au quotidien dans cette démarche RSE ?

[CL] On a mesuré notre bilan carbone deux fois et au-delà de ça, on intervient sur la biodiversité, on a un enjeu de biodiversité parce qu’on macère des fruits pour nos liqueurs donc forcément on se rend compte quand il y a une baisse de la biodiversité. Il y a un impact à terme sur l'agriculture. S'il y a des sécheresses, on a pas de fruits, de cassis pour faire de la liqueur ou de la crème de fruits, on l'a déjà vécu ça.

Comment on passe d'un objet déclic à quelque chose de l'ordre de la vision ?

[CL] Notre chiffre d'affaires c'est 70 % à l'export donc on a des collègues qui sont basés dans le monde entier. C’est suite à ce CODIR là qu’on a pris la décision de faire travailler tous les salariés sur notre démarche RSE et qu'est-ce qu'on allait mettre en place sur cette année 2020. Donc on a fait des ateliers toute la journée et en est sorti une création d'une d'une équipe “Green Team” dans l'entreprise, sur la base du volontariat, et puis différentes initiatives. Le COVID est arrivé donc certaines de ces initiatives se sont arrêtées mais la green team est restée, avec 10 personnes dont je fais partie. Il y a des objectifs de l’accord de Paris en 2050 d’avoir une neutralité carbone et c’est notre volonté.

Comment on fait pour embarquer les équipes dans cette démarche RSE ?

[CL] C’est un vrai sujet l’embarquement des équipes. On le voit bien avec la green team qui est très motivée. Mais si on fait des animations sur le sujet le temps du midi, il n’y a que les collaborateurs déjà intéressés par le sujet qui viennent. Alors comment embarquer tout le monde ? Je pense qu’il faut que ce soit sur le temps de travail, notamment pour les équipes éloignées de ces sujets-là. Ca ne me paraît pas réaliste de demander à des salariés qui travaillent déjà de bonnes journées de rester pendant une heure de plus pour un atelier sur sur la biodiversité sur sur le climat, donc bien de l'intégrer sur le temps de travail.

Sandrine Deberle, tu es chez Navoti où vous développez je cite "une vision pionnière des enjeux de la prévention en santé et d'une économie fraternelle”. Quelle est l'intention ?

[Sandrine Deberle.] C’est l’humain. C'est prendre soin de la relation et en fait l'entreprise n'est qu'un prétexte à la rencontre et à la relation entre les personnes de l'équipe, et aussi toutes les parties prenantes qu'elles soient internes ou externes de l'entreprise.

Vous avez mis en place un management Opale chez Navoti, c'est quoi?

[SD] La méthode Opale s'appuie sur trois piliers :

  • l'auto-gouvernance partagée
  • la raison d’être évolutive
  • la plénitude

Dis-nous en plus sur l'auto gouvernance partagée.

[SD] L'objectif c'est de supprimer en partie la hiérarchie et que les collaborateurs soient de plus en plus responsables et entrepreneurs de ce qu'ils font, c’est un processus long où j'anime d’ailleurs de nombreux ateliers. On est deux dirigeants, c'est une impulsion qui est commune. Moi je suis sur la partie opérationnelle, l'organisationel alors que lui il est plutôt le visionnaire, et nous sommes 9 maintenant dans l’équipe. L’opale est vraiment centré sur le “sentir-agir”, qu’on préfère au”prédire-contrôler”. C’est repérer les signaux faibles qu'il y a dans l'entreprise ou qu'on a avec les clients et c'est ça qui va nous mettre en mouvement d'abord, contrairement au prévisionnel à 3 ans à 5 ans (le % de croissance à atteindre etc.). C'est de cette base là en fait, de ce qu'on est, qu’on va avancer.

La raison d'être évolutive, c’est quoi ?

[SD] C’est quelque chose de vivant et qui s’appuie sur des valeurs et des axes stratégiques communs qui ont été travaillés avant. On les revoit ensemble tous les ans pendant l'entretien annuel collectif qu'on fait. L'équipe doit y adhérer car sinon elle ne peut pas se mettre en mouvement. Par exemple, suite au covid on a développé une stratégie qui était spécifique au niveau de la revente de nos produits sur les distributeurs. Finalement toute l'équipe s'est rendu compte que ça ne fonctionnait pas donc on a changé la stratégie de l'intérieur et on s'est réorienté vers la prescription, parce que c'est là que tout se jouait. Ça s’est fait collectivement.

Cécile, chez Giffard vous prévoyez une nouvelle usine avec un retour sur investissement à 7 ans au lieu de 4 ans parce que vous avez décidé que personne ne travaillerait la nuit et les week-ends. Ça coûte cher d’être responsable et durable ?

[CL] On aurait pu décaler cette construction d'usine mais on n'aurait pas pu l'éviter parce qu’on prévoit un plan de croissance de l'entreprise sur 7 ans où on va doubler notre chiffre d'affaires. C'est un choix de l'entreprise depuis toujours le bien-être des salariés.

Maxime pendant sa conférence a parlé de l’économie circulaire qui est en baisse. Cécile, l’engagée que tu es, elle ressent quoi et as-tu un exemple d'action RSE mise en place ?

[CL] Ça me fait penser à un projet d’entreprise car le plus grand impact de notre bilan carbone, c’est le verre de nos bouteilles. On doit le recycler mais cela nécessite de le chauffer et même en le recyclant, il a encore un impact fort. D’où l’alternative de la consigne avec un grossiste du territoire. On a reconditionné nos bouteilles et le test est positif, on veut désormais le déployer.

Sandrine, comment fait-on pour développer sa sensibilité ?

[SD] C’est le 3e pilier du management Opale : la plénitude le bien-être. On a un point qu’on appelle “Les Saugrenus”, un temps collectif tous les mardis, où on travaille cette capacité de découverte et d'émerveillement au quotidien, pour que ça se répercute dans la vie, dans le travail. Tous les mardis, chacun va évoquer un émerveillement, un inattendu qui lui est arrivé au niveau personnel ou professionnel. Il y a aussi le “safari” c’est tous les 15 jours en 2 parties : les irritants et les réussites. Par exemple les irritants ça peut-être “je n'y arrive plus sur mon dossier j'ai besoin d'aide” et donc là collectivement on peut aider. Les réussites ça va être “on a réussi un salon”, c'est collectif ou personnel mais toujours d'un point de vue entreprise. On a aussi une partie place des projets qui permet de partager collectivement pour toute l'équipe et ça c'est très valorisant, ça donne envie, ça fait grandir, ça rend responsable et pour nous, c'est une de nos valeurs fondamentales .

En quoi ça consolide notre rapport au territoire ?

[SD] A partir du moment où on est plus authentique avec soi que avec les autres, on l’est tout autant avec notre territoire. Un de nos salariés parle d’ailleurs de Navoti à ses proches en nous désignant comme l’entreprise de demain et il en est convaincu car il peut exprimer sa singularité.

On fait aussi partie de groupes à impact : le MEDEF, la CCI, on est sollicités pour parler de notre démarche RSE axées sur le social. On travaille parfois avec des chercheurs et universitaires, mais aussi dans des réseaux plus petits, moins connus, d'entrepreneurs et de dirigeants, comme Kactus qui est un réseau local. Ils ont vraiment pour vocation la rencontre et le grandir ensemble.

Auguste, tu es ex-directeur communication d’Yves Rocher et co-fondateur du festival de la photo de La Gacilly. Raconte-nous le jour où tu décides de créer une exposition photo nature dans la nature ?

[Auguste Coudray] Juste avant, j'aimerais vous parler de La Gacilly, de l’esprit du lieu. La Gacilly est un port reculé, son nom même veut dire le “quai”, le passage, d'une rive à l’autre, d'un département à un autre. La rivière en est une frontière. En y passant, on passe d’un monde à l’autre. On a donc travaillé sur la “destination La Gacilly”. Quand on dit “destination”, on a en tête la promesse de ce que tu vas vivre dans un territoire. La Gacilly pour nous est le village de l'art, de la nature, de la beauté et du bien-être. Ces 4 mots-clés se vérifient par les acteurs de ce territoire. On a regardé le territoire dans ses composantes (nature, métier, Histoire…). 


On a permis à des milliers de personnes de découvrir une marque, car si on veut que les produits de cette marque se vendent, il faut que ses futurs consommateurs connaissent les gens qui les fabriquent. Les entreprises, ce sont les hommes et les femmes qui y travaillent qui la font. J'ai d’ailleurs bien aimé vos témoignages parce qu'ils remettent l'humain au centre. 


Pour revenir au Festival de la photographie, quand on dit que La Gacilly est le village de l'art, de la nature, de la beauté, du bien-être : l’art on l'a décliné au-delà même des artisans d'art locaux. On s’est dit, qu’est ce qu’on peut rendre à la Nature d’un point de vue artistique ? 
On a alors choisi la photographie et de la mettre en extérieur car dans les expositions en extérieur, on est confronté aux aléas de la météo, aux aléas du relief… On contribue à comprendre et on s’imprègne d’un territoire pour recevoir ce que les photographes du monde entier nous offrent. C'est un festival à mission peuple et Nature. Il est là d'abord pour émouvoir, parce que dans toute chose, on ne perçoit ce que l'on veut nous donner que par l'émotion. Il est aussi là pour sensibiliser sur les enjeux écologiques et sociaux d'une époque chahutée, et surtout partager l'espoir demain d’un monde responsable.

C'est la 21e édition cette année en 2024. 300000 visiteurs cumulés. Quel rapport entre le festival photo, le territoire et le monde de l'entreprise ?

[AC] Yves Rocher est l'un des 40 mécènes qui nous aide aussi pour financer le festival. Mais parmi les mécènes, il y a aussi les artisans, les collectivités à tous niveaux ( local, départemental, régional), mais aussi des particuliers. Le festival est porté par les habitants de ce territoire. Ce sont des milliers de salariés qui viennent tous les ans. Être simple visiteur ou co-organisateur ou mécène, ça change le regard sur ce monde. Ce que j’aime chez les artistes, c’est qu’ils nous montrent ce qu’on ne voit plus. Quand on voit des réalités du monde entier, ça vous éveille, c’est plein de nuances et ça vous rend très humble par rapport aussi à votre manière de vivre. Par rapport à toutes les entreprises qui nous soutiennent pour revenir à ta question, nous accueillons énormément les entreprises et leurs salariés dans des visites privées qui leur permettent de découvrir les coulisses du festival, mais surtout de les rendre fiers de voir qu'une entreprise comme la leur s'investit dans la culture, qui est là pour parler du monde.

Tu es membre du réseau “Produit en Bretagne”. On pourrait penser que l'objectif c'est de faire travailler les Bretons, mais il y a une place au mot “solidarité” dans ce réseau. C'est une nouvelle façon de faire de l'économie sociale ?

[AC] Complètement. C'est un réseau qui éveille au monde et qui est là pour accompagner les entreprises dans leur réussite économique, mais aussi dans leur volet RSE, dans leur volonté de regarder le territoire comme étant un territoire qui doit rendre heureux les gens. Parmi les quelques piliers de de produits en Bretagne, il y a la Breizh Académie qui permet aux dirigeants mais aussi à leurs salariés de bénéficier de formations, d'avoir une veille sur les défis à relever. Mais c'est aussi le collège culture et économie qui permet aux entreprises de soutenir la culture. On l'a vu pendant la période COVID ou tout s'est arrêté : il nous manquait l'essentiel, ce supplément d’âme qui relie les gens entre eux. Aujourd'hui la culture ne peut vivre que si elle est soutenue par les acteurs du territoire.

Maxime, une réaction sur ces témoignages ?

Dans ces témoignages, une réflexion a été menée pour relier l’intérêt particulier de l’entreprise (le chiffre d'affaires) et l’intérêt général. L’erreur commune est de distinguer les deux. Oeuvrer pour l’intérêt général c’est œuvrer pour l’entreprise. Ça s’est perdu au fil des années mais toute entreprise a une responsabilité envers les populations, envers les territoires. On est en train de vivre une belle évolution.

À retenir :

Le rapport au sensible est vital dans notre rapport au territoire en entreprise :

  • Sandrine et Cécile encourageant à être sensible au point de vue de chacun dans leur équipe et organiser pour cela des temps dédiés
  • le sensible peut passer par une mobilisation dans l’art et la culture, comme avec le festival photo dont a parlé Auguste Coudray
  • le territoire peut être appréhendé par une lecture systémique comme celle des cartes comme le dit Maxime Blondeau

Merci à nos interviewés pour leur contribution. Découvrez d’autres épisodes sur le management avec les podcasts La graine inspirante de GERME !

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