Le travail, comme moyen d’épanouissement. Le travail, comme ciment de la société. Le travail comme lieu de rencontres, de lieu où l’on peut oser… Quelles sont vos joies, vos peines, vos doutes, vos astuces pour mieux vivre ce travail ? Comment trouver sa juste place au travail ? Comment retrouver le sommeil ? Des clés de réponse dans cet épisode tourné lors du Grand Tour dans le Nord-Est, la 4e et dernière étape de l'événement GERME.
Dans cet épisode vous découvrirez...
- des témoignages sur "trouver sa place" en entreprise
- comment redonner du sens auprès de ses collaborateurs
- comment mieux gérer son sommeil...
Qui sont les interviewés ?
- Laura Abbaci Carrère, membre de GERME et directrice générale adjointe chez ATMO, observatoire de la qualité de l'air
- Olivier Lamarcq, membre de GERME et DSI chez 3EConcept, spécialisé dans les cosmétiques et produits ménagers bio à domicile
- Valentin Bourlois, doctorant à l'ULCO, il prépare sa thèse sur “le sommeil, l'activité physique et la santé des dirigeants d'entreprises”
- le public de managers membres de GERME
Le travail c'est un lieu de construction de sa place dans l'entreprise, d'utilité, de réalisation de soi. Olivier, quand tu travailles, tu contribues à quoi ?
[Olivier] J'ai envie de dire au bien-être de mes équipes. La grande envie, c'est que les personnes deviennent responsables. Alors pas au sens manager, mais au sens prendre la responsabilité de son poste et puis pouvoir déployer ce qu'il a envie de faire en fait.
Laura, tu avais un peu fait le tour en 13 ans de sphère publique. Tu n'es pas juriste, tu n'es pas ingénieur, tu n'es pas dans un job standard et tu te cherches. Comment tu vis ce moment de ta carrière quand tu ne sais pas quoi faire comme travail ?
[Laura] J'ai fait 13 ans dans cette entreprise, ça m'a beaucoup plu, mais là je suis sur une phase où je m'ennuie. J'ai fait un changement de job en interne et je me pose la question de qu'est-ce que je vaux sur le marché de l'emploi et puis quel job je pourrais faire en fait. Je me prends une claque, quoi. Je me dis, mais en fait, je ne sais pas où aller, quoi faire.
Je commence à essayer de chercher par analogie. Je me dis, mon secteur est tellement spécial, il va falloir que je fasse des concessions. Donc, je postule plutôt sur des postes de chef de projet. Ça paraît louche. Un manager va sur un poste de chef de projet :”Est-ce qu'il est un vrai manager ? Est-ce qu'il n'est pas responsable ?”. Et après un an, après avoir discuté avec une amie qui bossait dans les RH. Elle m'a dit “Mais tu ne crois pas que tu te sous-estimes ?”. Du coup, j'ai postulé sur des postes de direction. Et là, j'ai eu du stress. J'avais un problème d'imposture. Le fait d'être rentrée jeune dans une entreprise, d'avoir été confrontée auregard des collègues de cette entreprise, d'avoir changé de métier. Oui, j'avais un problème d'identité. Du coup, je pense que c'était dans l'imposture.
Chercher sa place, ça vous est arrivé ? Comment vous l’accompagnez quand ça arrive à un de vos collaborateurs, pour redonner du sens ?
[Pauline] Je m'appelle Pauline. Je voulais vous partager mon expérience aussi parce que j'ai travaillé 12 ans dans l'entreprise familiale, une entreprise centenaire. J'ai adoré bosser en famille. Sauf qu'en fait, on a décidé d'ouvrir le capital à un actionnaire majoritaire avec qui j'ai travaillé pendant trois ans. Et c'est vrai qu'à la fin, je ne trouvais plus beaucoup de sens. Je ne trouvais plus ma place.
Quand on dirige, je prend les décisions avec mes parents, c'est assez simple, même si ça peut ne pas toujours l'être. Mais c'est vrai que quand on change d'interlocuteur... et qu'on n'est plus les seuls décideurs, la discussion est moins facile. Et je pense que j'avais fait le tour. C'était un choix de ne pas reprendre l'entreprise. Donc voilà, j'ai accompagné ça pendant trois ans.
Je reviens sur la discussion qu'on avait juste avant sur l'opposition. J'étais la dernière personne de la famille à travailler dans l'entreprise. Donc pour beaucoup de salariés qui m'ont vu grandir… Je savais que j'allais en décevoir beaucoup et en fait le groupe qui nous avait racheté tenait vraiment à ce que je le dise le plus tard possible pour ne pas créer la panique. Ça m'allait pas trop parce qu'on a toujours beaucoup communiqué avec tout le monde et j'étais pas très alignée avec cette façon de voir les choses. Bon je l'ai accepté par contre je leur ai demandé d'avoir quand même 48 heures pour aller discuter avec les personnes clés de l'entreprise. C'était une bonne façon parce qu'en fait, avec le dialogue, on arrive à beaucoup de choses. Et en fait, la crainte du changement, je pense qu'elle passe aussi beaucoup par le dialogue.
Pour trouver ta place, encore faut-il négocier avec ton histoire, avec tout ce que tu portes sur les épaules. Et comment l'ont vécu les personnes historiques de l’entreprise ?
[Pauline] En fait, ils comprennent. Quand on explique son choix, et en effet, je reviens avec ce que disait quelqu'un tout à l'heure, c'est que quand les besoins sont exprimés, les attentes, on trouve toujours des solutions.
[Anne-Cécile] Anne-Cécile Dijon. Je voulais témoigner d'un exercice qu'on est en train de faire aujourd'hui dans le groupe familial que j’ai rejoint. Les actionnaires ont décidé de retravailler la vision à 5 à 10 ans et de faire vraiment ce travail avec notamment le COMEX Énergie. Ils nous ont posé ce qu'on peut appeler les “intangibles”, c'est-à-dire ce qu'eux ne veulent pas voir déroger dans la vision sur l'avenir du groupe. Ils nous ont vraiment demandé de donner notre avis et c'était la première fois que nous avons décidé d'aller demander aussi l'avis de nos managers, c'est-à-dire nos N-1, et que nos managers demandent aussi l'avis de leurs collaborateurs. Donc on a complété la vocation.
Qu'est-ce qu'on risque à faire ça, Anne-Cécile ?
[Anne-Cécile] Pas grand-chose, dans la mesure où on va les écouter. La première chose importante, c’est qu’à chaque fois qu'on sort d'un COMEX, on sache ce qu'on va dire à nos collaborateurs et que tout le monde dise la même chose. Le deuxième exercice est autour de la raison d'être du groupe qui est “Créer et transmettre le beau durablement avec passion”. On s'est mis par deux et on a demandé à l'autre “qu'est-ce que le mot créer veut dire pour toi ? Qu'est-ce que transmettre veut dire pour toi ? …”. Mais pas forcément professionnellement, aussi personnellement. Et c'est vraiment pour créer ce lien et finalement c’est un moyen de se connecter à la raison d'être du groupe. De se dire “Oui, ok, j'ai des mots qui sont affichés à l'entrée, mais qu'est-ce que ça veut dire pour moi ?” Et de se poser en respirant, en marchant. Ça permet, comme dirait Olivier Bérut, de connecter l'ultime à l'intime.
C'est quoi votre façon de faire ensemble ? La dernière fois que tu as fédérer les collaborateurs et inventer quelque chose pour “faire tous ensemble” Olivier ?
[Olivier] Au boulot, on crée des ateliers autour de la qualité de vie au travail, qui sortent un peu du travail. Ça peut être de la permaculture, des ateliers… C’est aussi le rôle de l'entreprise puisque ça permet justement de souder les équipes sur autre chose que le travail du quotidien. Au début c’était très centré sur “l’écologie”. Depuis cette année il y a eu aussi le fait de prendre conscience qu'il en faut pour tout le monde. Du coup il y a des nouveaux ateliers qui arrivent, des ateliers sport, etc. On écoute les salariés et on les emmène dans ces dynamiques-là.
[Laura] De mon côté on porte un projet de transformation sur “travailler davantage en mode projet”. Et Thierry qui est dans ma direction, il ne comprend pas le projet et est assez réticent. Ça m'ennuie et donc, je discutais avec son manager et on s'est dit “on va essayer un truc, je vais essayer de bosser en direct avec lui pour qu'il m'aide à structurer”. Et en même temps, il est responsable de la qualité, donc la structuration, c'était aussi aller chercher son talent. Ça lui permettra de mieux comprendre. Je vais le voir et lui dit qu'on travaille en mode constructif, donc, je propose et il amende. Je pose un cadre et je lui dis “tu peux reprendre. Si moi, je ne m'exprime pas bien ou je ne propose pas selon un bon angle, sens-toi libre de faire une autre proposition”. C'est quelqu'un de très process d’habitude. Or je lui ai demandé de bosser sur un truc et je reviens de vacances, il a créé un serious game pour expliquer “qu'est-ce que c'est la gestion de projet” au collaborateur. C'est extraordinaire !
Donc c'est ça, faire ensemble. C’est peut-être des nouvelles façons d'animer, de mettre en mouvement... Quelles sont vos façons à vous public de créer à plusieurs, d'obtenir des résultats que vous n'auriez jamais imaginés ?
[Daniel] Daniel, je suis de Charleville-Mézières. Ça remonte à il y a quelques années, je travaillais dans une entreprise qui fabriquait des compresseurs d'air. Rien de passionnant, mais très utile sur les chantiers de construction. On avait une équipe en Angleterre qui nous fabriquait des compresseurs depuis des années. C'était des experts dans le compresseur. Sauf que sur le plus petit compresseur, on était trop cher. Et on avait des concurrents qui nous battaient systématiquement chez les grands comptes parce qu'ils avaient une qualité sûrement un peu moins bonne, mais leur prix était plus attirant pour le client.
On va voir notre bureau d'études britannique et on leur dit : “Il faut nous faire un compresseur moins cher”. Ils prennent un cahier des charges et nous disent “Non, impossible, on ne sait pas faire”. Ce à quoi on leur répond “Mais les concurrents le font, donc pourquoi vous n'y arrivez pas ?”. À l'époque, on avait la chance d'être dans une multinationale et l'entreprise avait acquis une petite société. qui fabriquait autre chose que des compresseurs, mais ils avaient un bureau d'études en France. Et on se dit, si on leur demandait à eux ? Donc on leur soumet le projet, ils viennent passer quelques semaines à l'usine en Angleterre, et on leur donne carte blanche à partir du cahier des charges. En trois mois, ils nous ont sorti le compresseur. En fait on s'est aperçu que les ingénieurs britanniques se sont mis des freins sur ce projet, ils n'ont pas osé tenter des solutions qui coûtaient moins cher, C'est vrai qu'on n'avait peut-être pas la même qualité que ce qu'eux faisaient, mais le client était content et on a repris des parts de marché.
Valentin Bourlois est à nos côtés. Tu prépares une thèse dont le titre provisoire est “Sommeil, activité physique et santé des dirigeants, mise en place d'un programme expérientiel inspiré du sport de haut niveau”. Ton message, c'est que la santé doit êtr
[Valentin Bourlois] Oui, la santé est au centre de tout, parce qu'une personne en mauvaise santé n'est pas capable forcément de pouvoir travailler correctement. Plein de problématiques se posent, notamment au niveau du sommeil. Le sommeil que je mets quand même au centre avec l'activité physique, et qui sont assez liés.
Dans quel état sont les dirigeants que tu accompagnes actuellement ? Que tu observes ?
[Valentin] Actuellement j'ai des résultats d'à peu près 400 dirigeants qui ont répondu à des questionnaires dans le cadre de ma première étude de thèse. Ce qui ressort le plus, c'est qu'il y a un risque énorme de problématiques de sommeil à partir du moment où un stress est soit modéré ou soit élevé. Ce dont on s'aperçoit, c'est que chez les dirigeants d'entreprise, finalement le stress est assez ambiant. Du coup ce que je leur propose, c'est de venir se mettre en activité pour contrer ces effets du stress.
Comment tu accompagnes ces dirigeants ?
[Valentin] Je propose un programme de 3 mois avec 3 fois une heure et quart quand même d'activité physique, 4 formations sur le sommeil, l'activité physique, la prépa mentale et la nutrition, et 2 expériences exceptionnelles. C'est-à-dire des personnes qui ne font pas d'activité physique, que j'ai mis en activité sur une journée complète de 8h à 18h. 2 km de longe-côte, 70 km de vélo électrique, 10 km de marche nordique, et ils ont réussi à le faire et sont heureux de l'avoir fait. Finalement, on peut faire n'importe quelle activité physique à partir du moment où on l'adapte à son niveau.
Et la deuxième, c'était aussi dans la notion de pouvoir gérer son sommeil. Au quotidien, c'était 100 km de vélo électrique dans les monts de Flandre entre 23h et 8h du matin. Ça permet de ressentir finalement les résultats d'un manque de sommeil, d'une dette de sommeil très aiguë et de le comprendre sur le long terme, le pourquoi et le comment. Au bout de trois mois, la plupart des dirigeants d'entreprise qui ont participé au programme ont continué. Et en fait, on s'aperçoit qu'il y a une amélioration de la qualité du sommeil.
C'est quoi une bonne qualité du sommeil ?
[Valentin] C'est un sommeil qui va être entre 6h30 et 8h30 en fonction des différences interindividuelles et qui va être le moins entrecoupé possible. C'est un sommeil qui fait que la journée, on ne va pas avoir des gros coups de pompe à 14h, on ne va pas avoir besoin de faire la sieste à 14h et on ne va pas se mettre à bailler à des heures incongrues. Certains peuvent dire “je n'ai pas besoin de 6h de sommeil, et puis je me porte très bien”. Cette culture de la privation de sommeil, c'est quelque chose que je combats. J'invite tous les dirigeants, tous ceux qui peuvent être dans la salle à venir discuter avec moi après, s'ils sont persuadés qu'ils n'ont besoin que de 4 heures pour dormir. En fait, cette dette de sommeil chronique va engendrer forcément des problématiques, à un moment donné ou un autre. Et donc, dormir moins de 4 heures ou dormir 4 heures, je pense que c'est simplement, en fait, des légendes.
Si on fait le lien avec “C’est quoi le travail”, mieux gérer son sommeil ça permet quoi ?
[Valentin] C’est prendre le temps pour soi, pour sa santé, c'est ce qui va permettre aussi d’être plus performant. Finalement, le manque de sommeil va engendrer quand même des problématiques et les comprendre c’est agir pour les éviter. Le manque d'activité physique va engendrer des problématiques de somnolence la journée qui vont engendrer finalement problématiques de temps et ne pas prendre ce temps pour soi et son sommeil, c'est finalement poser des soucis dans son travail quotidien. Ça peut parfois termineren burn-out. Il y a des études en Occitanie qui montrent que sur un certain groupe de dirigeants d'entreprise, plus de 50% ont souffert de burn-out ou souffrent de burn-out. Sur à peu près 2000 interrogés sur une étude IFOP, il y en avait plus de 27% qui avaient pensés au suicide. C'est quand même des choses qui alertent énormément, je trouve.
Tu as dû entendre “Mon travail, c'est ma vie.” Qu'est-ce qu'on peut dire à ces personnes qui s'oublient finalement ?
[Valentin] Avant, les dirigeants d'entreprise, c'était” je ne fais que travailler”. Après, on est passé à “je travaille et je prends du temps pour la famille”. Donc, c'est passé à “je vais prendre du temps sur mon sommeil et mon activité physique pour pouvoir être au travail et être avec la famille”. Maintenant, l'idée, ça va être de trouver un moyen de mettre un peu d'activité physique dans son quotidien pour essayer de prendre soin de soi.
Quand je dis activité physique, attention, je ne parle pas de sport. Quand je vous dis de faire de l'activité physique, ça veut dire... marcher un petit peu, faire un peu de vélo, aller chercher votre pain comme vous pouvez à pied ou à vélo, mettez un peu d'activité physique, prenez des escaliers au lieu de prendre l'ascenseur, des choses un peu basiques, mais qui vont mettre un peu plus votre corps en activité, qui va permettre de faire fonctionner votre cœur, vos muscles, et donc de créer tout ce qu'il faut pour pouvoir être en bonne santé.
Qu'est-ce qui fait qu'il y a un écart entre ce que tu viens de nous rappeler et le fait de passer à la mise en place très concrète d'un plan d'action, d'une discipline ?
[Valentin] Ce qui crée cet écart, c'est qu'en fait, je pense qu'il faut être accompagné et de comprendre ce qui fonctionne quand on se met en activité physique, ce que ça crée chez nous. les bénéfices que ça engendre, c'est ce qui permet, je pense, derrière, de réussir à créer une discipline ou une routine.
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