C’est quoi le travail : confiance, reconnaissance et conduite du changement

Soumis par agathe.renac le
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       Comment nos perceptions du travail évoluent avec les changements sociaux, technologiques et économiques ? Quels nouveaux parcours professionnels émergent ? On parlera de tout ça dès aujourd’hui sur cette chaine La Graine inspirante du réseau GERME !

Cet épisode fait partie d'une série de deux sur "C'est quoi le travail". Il a été enregistré lors de l'ultime étape du Grand Tour à Reims, un événement par GERME pour faire réfléchir ses managers membres par région sur le thème de "Manager conscient et vivant".

Dans cet épisode vous découvrirez...

  • des prises de consciences sur la délégation et la confiance
  • des témoignages pour mieux accompagner le changement en entreprise
  • des astuces pour donner de la reconnaissance et mieux gérer quand un collaborateur s'oppose au manager ou à l'entreprise

Qui sont les interviewés ?

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Laura Abbaci Carrère

Laura est directrice générale adjointe chez ATMO, observatoire de la qualité de l'air. Préalablement, elle a passé 13 années, dans le secteur de de l'infrastructure fluviale. Elle a porté des projets de transformation et d'accompagnement au changement des organisations dans des cultures publiques.

Olivier Lamarcq

Olivier est DSI chez 3EConcept, groupe de solutions de nettoyage écologique. Il est aussi membre du groupe Germe "Douai les Galibots".

Laura, peux-tu nous en dire plus sur quand tu es devenue manager ?

J’ai 30 ans. Je suis une femme. Je suis juriste de formation et je suis salariée dans une structure publique. Je prends en management une équipe d'exploitants qui sont tous fonctionnaires, qui sont des hommes, qui viennent de la filière technique et qui ont un peu peur que je vienne pour les « casser ».

Comment tu réagis quand tu viens d’être embauchée et que tu arrives dans une équipe où tu n’es pas attendue à bras ouverts ?

[Laura] Je ne demande qu’à ce qu’on apprenne à se connaître, à se faire confiance et à collaborer sereinement. J’ai également mon adjoint, qu’on va appeler « Michel », qui me teste, alors qu’on est censés avoir une relation de confiance puisque c’est mon adjoint. Pourtant il vient me chercher tout le temps sur des sujets dont je ne connais pas les réponses, du style, « il y a une vache dans le canal, qu’est-ce qu'on fait ? ». Alors qu'il sait très bien comment faire et moi pas. Je lui réponds donc que je ne sais pas, que j'espère que la vache va bien.

Finalement j’essaye de comprendre ce qui l'inquiète, ce qu'il cherche. J’essaie de savoir pourquoi il a pris son poste et il m'explique ce qui lui plaît, c'est le titre d'adjoint. Il cherche donc de la reconnaissance. Je m'étais préparée et oui je n’ai pas été accueillie à bras ouverts, mais j'étais en accord avec la vision. Une chose est sûre, avant j’étais sur un poste de gestion de projet et je venais de passer sur un poste de management où je me suis rendue compte qu'on écoute toute la journée, et que l’écoute active, c'est énergivore !

Comment tu la vis la solitude du manager, notamment à tes débuts où on attend que tu fasses tes preuves ?

[Laura] J'ai la chance d'avoir un directeur qui me soutient donc j'ai mon sas où je peux échanger avec lui, c'est assez constructif. Après ça a duré six mois heureusement.

Comment tu repères le besoin de reconnaissance chez les collaborateurs que tu accompagnes ?

[Laura] Michel dont je parlais, très concrètement, ce qu'il faisait et qui lui faisait du bien, c'est que quand il y avait des questions, des choses sur lesquelles il fallait répondre, c'était lui qui répondait. Il avait sa solution, il répondait et il l'apportait. Et donc, le fait d'avoir la reconnaissance de sa compétence, ça lui faisait du bien. Donc du coup, j'ai appuyé cette chose-là et je lui ai offert un portefeuille qui gérait seul en autonomie. Je lui ai confié les entretiens, mais je lui ai aussi dit que cela impliquait de la confidentialité.

Le public, comment-vous accompagnez ce besoin de reconnaissance du collaborateur ?

[Isabelle] Bonjour, je suis Isabelle, DRH dans une usine, je travaille à Metz. J'ai travaillé récemment avec une de mes généralistes RH sur un dossier très important qu'on a présenté au CODIR, donc je fais partie du Codire bien sûr. C'est normalement à la DRH de présenter les dossiers stratégiques au niveau ressources humaines. Et j'ai proposé à ma généraliste RH de venir en CODIR présenter le travail qu'on avait fait ensemble.

[David] Qu’est-ce qui t'a amenée à faire confiance et laisser ta collaboratrice faire cette présentation ?

[Isabelle] Moi je suis sur ma fin de carrière, donc j'ai envie de la faire grandir, de la pousser vers un poste de RRH et de la mettre en situation. 

[David] Comment tu as préparé ta collaboratrice à cette nouveauté ? Parce que croiser les membres du CODIR dans le couloir, c'est une chose, mais les retrouver autour de la table où eux ont leurs habitudes, mais pas ta collaboratrice, ce n’est pas la même chose.

[Isabelle] Je l’ai entraînée à s'exprimer devant moi, son manager, donc ce n'est pas évident. Puis elle a fait la présentation à l'équipe RH et l'équipe lui a fait des premiers retours sur la prise de parole en public, Elle était quand même stressée, mais ça s'est bien passé, un CODIR bienveillant. C’était une belle reconnaissance pour elle.

 

[Christine] Christine, je suis de Valenciennes et je travaille dans l'industrie textile. J'ai travaillé auparavant dans le conditionnement de jus de fruits. Il y avait à lépoque un ouvrier qui avait des difficultés à écrire, mais qui avait de vraies capacités à piloter une équipe. Aborder le sujet de l'illettrisme en entreprise est délicat. Et un jour, je lui propose une remise à niveau parce qu'il m'écrivait parfois en langage SMS. Il me dit, ça tombe bien, j'ai un concours en tête, j'aimerais passer le concours de fédération de pêche. pour avoir des responsabilités au sein de la fédération. Donc, on a mis en place cette formation d'orthographe. Aussi bien lui que l'entreprise en a tiré des bénéfices. Lui a réussi son concours. L'entreprise l'a emmené vers le chef d'équipe et il est revenu me voir après. Il m'a dit “ce que tu as fait là, je n'aurais pas pu le faire moi-même et tu m'as permis d'accéder à quelque chose qui me passionne vraiment.”

Olivier, tu n'avais pas vocation à être manager. Comment es-tu devenu manager ?

[Olivier] C'est exact, pour la petite histoire, je suis arrivé dans l'entreprise en tant que chef de projet. Un an après, mon manager de l'époque, Emmanuel me dit en 2019, “Olivier, je te vois bien manager de l'équipe”. Manager hiérarchique c'était loin pour moi, et je lui dis donc que j’ai besoin de clés pour manager. Le lendemain je me retrouve dans un groupe de formation managérial Émergence et c'est parti.

Ça fait quoi d'être reconnu par sa hiérarchie ? Quelle est ton énergie et ta vision du management ?

[Olivier] Je travaille beaucoup avec l'énergie du collectif alors déjà en gestion de projet on en a besoin de beaucoup, et d’autant plus quand on est manager d'une équipe. C’est les motiver, leur expliquer. et pour une grosse partie, leur laisser les clés pour qu'ils puissent se développer eux-mêmes.

C'est quoi ton astuce pour bien vivre les entretiens annuels ?

[Olivier] Quand j'aborde les entretiens annuels, je me dis que je n'ai pas envie de découvrir des choses. Donc déjà, c'est un travail du quotidien, à travailler avec la personne de son équipe tout le temps. Et l'entretien annuel, c'est bien pour se reposer ensemble et puis de faire le parcours de ce qu'on a vécu dans l'année.

 

J’ai un collaborateur, Laurent, qui me dit “ça fait 1 an que notre collaboration se passe bien mais il y a quelque chose qui m'embête mais je ne saurai dire quoi”. Donc je creuse et il me dit “C'était en mars avril, j'avais des difficultés et tu es intervenu”. Donc je lui répond “Oui d’ailleurs je t’ai aidé, mais je ne comprends pas ce qui ne va pas du coup ?”. Alors il me parle de la position que j'avais, je l’ai accompagné sur le projet en tant qu’expert et que j’avais tout fait. Je ne lâchais pas assez de choses. Finalement il y avait besoin de moi sur ce projet, moi, je suis rentré dans le projet pour que le projet fonctionne bien. En fait, ce dont il avait besoin, c'est que je l'accompagne en disant “Voilà, tu pourrais faire ça” et lui laisser la main pour qu’il le fasse lui-même.

La confiance, ça ressemble à quoi en management ?

[Olivier] Pour moi la confiance, ça s'acquiert. On a souvent l'impression que c'est le manager qui doit amener des choses. Mais ce que je leur explique, c'est qu'il n'y a pas que le manager. C'est chacun de l’équipe aussi qui doit prendre les rênes de son poste et me remonter des choses. Et une fois que ça marche bien comme ça, le manager peut s'effacer de plus en plus. Le tout, c'est que le manager définisse bien les compétences du collaborateur.

 

[Laura] La confiance pour moi, c'est la liberté qu'on m'octroie. Et la confiance avec mes équipes, c'est la liberté que je leur offre parce que je sais qu'on fonctionne en mode échange pour remonter le problème.

[Aurore du public] Aurore, je travaille à Boué et dans l'industrie agronomique. J’ai une anecdote de mes débuts, où quand mes managers rentraient dans mon bureau, pour moi, il fallait que je réponde à leurs questions et que je leur trouve une solution. Et en fait, une fois, quand on était en séminaire, on faisait un feedback, on s'échangeait en disant, voilà, qu'est-ce que j'aime bien chez toi ? Qu'est-ce qui fonctionne ? Qu'est-ce qu'il faut améliorer ? Un peu l'exercice basique, mais toujours très intéressant. Et là, mes managers me disent, mais en fait, Aurore, tu ne nous écoutes pas. Quand on vient dans ton bureau... Au final, on a l'impression que tu déroules et qu'on soit là ou pas, ça ne change rien.

Là, ça me scie les pattes. Au départ, je me dis que je suis là pour les aider, je les écoute, je leur trouve des solutions. Mais qu'est-ce qu'ils veulent de plus ? Et au final, on a refait une réunion hors séminaire où je leur ai demandé “Comment vous voudriez que ça se passe ?” On refait la scène, vous arrivez dans mon bureau et au final, dites-moi ce que vous attendez. Ils me répondent “En fait, quand on vient dans ton bureau, on t'exprime le problème, mais on aimerait plus que tu nous dises, bah tiens, qu'est-ce que tu ferais ? C'est quoi ta proposition ? Et là, ils attendent plutôt un accompagnement et un soutien de leurs problèmes, enfin en tout cas un soutien de leurs solutions, plutôt que je leur donne la solution.

 

[Philippe du public] Bonjour Philippe, d'Aix-en-Provence, secteur de travail de BTP. On est parti de loin, on avait un sujet de recrutement, de publicité de notre métier du bâtiments et travaux publics. On avait un problème de transmission du savoir.s Donc on a essayé d'identifier des ouvriers, des chefs d'équipe, des chefs de chantier, des hommes et des femmes de terrain, on a été vers eux et on leur a demandé de créer un groupe de travail. et on les a reconnus comme... transmetteurs du savoir. Donc, ils se cooptaient les uns les autres et ils ont eu pour mission d'aller dans les forums étudiants, dans les écoles parler de leur métier. Au-delà de l’objectif initial de recrutement, on s'est aperçu en parlant avec eux, que le résultat, c'est qu'ils l'ont reconnu comme de la reconnaissance.

Laura, ton entreprise a connu une phase de transformation. Comment tu l’as vécu en tant que manager ?

[Laura] On a eu un grand sujet de transformation, c'est un sujet politique avec lequel je suis en accord sur le fond. Mais Michel, il est contre, il est syndiqué. Il n'envisage pas qu'on puisse accompagner ça correctement. Avec la façon dont on a redéfini nos missions, il a pris plein de choses qui étaient initialement dans mon portefeuille. Moi, ça m'a dégagé du temps pour pouvoir travailler sur cette transformation.

Comment gérez-vous la situation quand vous avez un collaborateur en opposition ? Face à un collaborateur qui a peur du changement ?

[Laura] Au début, j'essaie de comprendre quoi, de quoi il a peur, qu'est-ce que ça vient chambouler en lui. Après, il y a des gens qu'on arrive à décaler et d’autres moins. Personnellement, j'ai plus tendance à concentrer mon attention sur les autres gens, sur les autres membres de l'équipe avec qui je peux travailler.

[David] Le réflexe de certains managers, c'est de chercher absolument à convaincre ceux qui ne veulent pas l'être. Et toi, ce que tu dis, c'est d'investir plutôt sur ceux qui sont déjà favorables ?

[Laura] J'essaye de voir si je peux le faire changer de camp. Après, si c'est un combat que je ne peux pas gagner, je me décale.

Public, comment amenez-vous le changement au sein de votre équipe ? Comment accompagnez-vous des collaborateurs "contre" ?

[Amandine] Amandine de Troyes. Je suis dans une entreprise dont j'ai fait partie, une dizaine de salariés et qui avait une organisation, on va dire, assez pyramidal. Et depuis mon arrivée, il y avait toujours ce discours de dire “Mais un jour, ce sera transformé en SCOP”. Moi, j'ai besoin de vivre l'expérience. Donc, je leur dis “est-ce que ça vous dirait qu'on avance concrètement sur le sujet ? Parce que là, on en parle, on est dans les mots, mais comment ça se réalise ?”. On a fait appel à une personne extérieure, à qui finalement tout le monde pouvait se confier et tout dire.

On a travaillé sous forme d'atelier ensemble. Ça a permis à chacun de s'exprimer sur comment il voyait son poste, sa posture. Ça m'a permis à moi, finalement, de sortir de cette structure, parce que la manière dont je voyais les choses dans ce collectif, je ne m'y retrouvais pas dans ce que j'entendais des autres. Mais ce que je peux vous dire, c'est que je suis restée en lien avec cette entreprise et qu'ils ont gardé cette dynamique de faire appel à cette tierce personne extérieure. De réaliser ces ateliers de groupe où chacun exprime ses besoins par rapport à leur poste. Et ils ont trouvé une structure juridique autre que la SCOP qui leur correspond. Ça a permis finalement de mettre du mouvement là où il y en avait. Ça a amené à des changements et aussi les gens ont pu exprimer leur... peur.

Je me suis rendu compte que le fait que moi j'arrive à sortir, ça permet à d'autres personnes aussi de se dire que c'était possible et de quitter quelque chose qui leur convenait plus. Et par la même occasion, de verbaliser le besoin d’une personne avec telle ou telle compétence. Ça a permis d’identifier cette personne-là, qui est arrivée aujourd'hui dans la structure.

 

[Charles] Bonjour Charles. Je travaille en tant que directeur commercial dans les énergies renouvelables. J'ai deux exemples un petit peu extrêmes. Le premier, j'étais directeur commercial dans une ancienne entreprise. Je voulais insuffler un changement de stratégie, se développer vers un nouveau segment de marché. Et j'avais proposé ce job passionnant à un de mes collaborateurs qui était un petit peu en souffrance sur un autre poste. Au bout de deux mois, je me rendais compte que ça ne prenait pas, il n'était pas bien. Avec les équipes, ça ne prenait pas non plus. Il était toujours dans l'opposition, c'était assez destructeur.

[David] Tu arrivais à identifier ce qui motivait son opposition ?

[Charles] Un changement de réglementation a fait que son marché historique est devenu obsolète. Et du coup, il a eu du mal à se projeter dans un autre projet. On a dû en arriver à la conclusion que malheureusement, soit il acceptait de se projeter dans ce nouveau projet, soit il devait se trouver une autre mission, une autre entreprise. Donc ça a été une décision assez difficile, parce que c'était la première fois pour moi que je devais me séparer d'un collaborateur. Mais ça a été une réflexion commune, où de lui-même, il était d'accord qu'il valait mieux pour lui de partir.

Laura, un conseil à donner aux managers qui présentent un projet de transformation à leurs équipes ?

[Laura] Quand je présente un projet de changement aux équipes, je commence toujours par leur présenter ce qui ne change pas. Ça les rassure et moi ça me permet de capter leur attention sur les messages.

Merci à nos interviewés pour leur contribution. Écoutez d’autres épisodes sur le management avec les podcasts La graine inspirante de GERME !

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